28.10.04

Comédie romantique "british" vs. drame romantique "à la française"

Wimbledon, de Richard Loncraine
Comédie romantique honnête, Wimbledon (et non, je n'utiliserai pas l'épouvantable titre français, pourquoi ils ont pas gardé le nom original, bordel?) consacre un certain épuisement de la formule de la comédie romantique "Working Title"(maison qui a produit 4 Marriages et un enterrement, Notting Hill, Love Actually,...) ou du moins l'incapacité pour cette formule d'aboutir s'il manque Richard Curtis au scénario et/ou Hugh Grant dans le rôle principal...Wimbledon est une comédie romantique assez convenue, pas trop cul-cul, qui reste plaisante grâce au charme de ses interprêtes, le sympathique Paul Bettany et la très charmante Kirsten Dunst. Le problème, c'est que certaines répliques de Bettany sont, c'est évident, taillées sur mesure pour Hugh Grant, et ça sonne faux.
Finalement, ce qui fait l'intérêt du film, c'est la mise en scène plutôt dynamique des matches de tennis! Le réalisateur ne ménage pas les effets de mise en scène lors de matches, parvenant à leur conférer une vrai intensité dramatique...C'est la bonne surprise de ce film!

L'équipier, de Philippe Lioret
Voici donc le nouveau film par le réalisateur de Mademoiselle, déjà avec Sandrine Bonnaire, sorti en 2001. A priori, ce n'est pas du tout le genre de film que j'irais voir au cinéma! Comment se fait-il que je l'ai vu? Grâce au CinéClub de ScPo, dont je suis le président!
Grâce à un partenariat avec l'association CINEFAC, j'ai pu obtenir des places pour l'avant-première de ce film au Grand Rex, en présence de l'équipe du film. C'était donc gratuit et très chaleureux, vu que le réalisateur lui-même est venu nous présenter le film, en nous faisant part de son angoisse, de ses espoirs, mais surtout de sa fierté d'avoir fait ce film. C'était touchant de le voir ainsi, dans son moment de vérité: comment les 3000 spectateurs du Rex allaient-ils recevoir ce film?
Alors, parlons du film: L'équipier est un film de bonne qualité, subtil, bien interpreté, bien mis en scène (les scènes de tempête en mer sont absolument terrifiantes!), et qui fait bien sentir au spectateur la sincérité du réalisateur et l'affection qu'il a pour ses personnages. En bref, c'est un film français très classique, mais de très bonne facture. Un beau petit film qui mériterait d'avoir son petit succès.

14.10.04

L'automne, la saison des films qui vous en mettent plein la gueule!

Old Boy, de Park Chan-Wook
La Corée (du Sud) connaît actuellement une vitalité cinématographique extraordinaire: le phénoménal Old Boy en est une preuve éclatante.
L'intrigue est simple: Oh Dae-Soo, un père de famille vaguement poivrot sur les bords, est enlevé en pleine rue, et enfermé dans une cellule pendant 15 ans. A sa sortie, son ravisseur lui apprend qu'il a cinq jours pour découvrir par qui, mais surtout pourquoi il a été enlevé.
C'est à partir de là que tout se corse: plus notre héros progresse dans son enquête, plus la vérité lui paraît menaçante. La perversité du châtiment qui lui est infligé, son impuissance face à un ennemi à la détermination implacable...tous ces éléments font de Oh Dae-Soo l'un des plus dignes successeurs d'Oedipe! Oh Dae-Soo, qui fera preuve d'une obstination sans bornes pour comprendre ce qui lui arrive, sera tellement choqué par la vérité qu'il en perdra l'un de ses sens, à l'image d'Oedipe...
C'est là qu'intervient la mise en scène explosive de Park Chan-Wook, qui met en valeur son scénario en lui ajoutant une dimension sensorielle très forte: on ressent presque physiquement les souffrances du héros. On est là, tout près de lui, lorsqu'il prend des coups et lorsqu'il en donne. Comme lui, on est heureux de retrouver l'air libre après avoir éprouvé avec lui la claustrophobie de son enfermement. Et contrairement à ce qu'affirme la maxime qui rythme le film, quand il pleure, il n'est pas le seul à le faire...

Collateral, de Michael Mann
Collateral est un film extraordinaire. Michael Mann, après le décevant Ali, retourne aux sources de son art pour nous présenter une nouvelle déclinaison de son thème de prédilection: la rencontre entre deux hommes que rien n'arrêtera dans l'accomplissement de leur objectif. Bien évidemment, la rencontre vire souvent à la confrontation: les intérêts personnels sont rarement compatibles...
Collateral est une nouvelle preuve du génie très particulier de Michael Mann, de cette capacité qu'il a de prendre des histoires à priori banales pour en faire des films épiques. Sur le papier, les synopsis de films comme Heat ou The Insider sont complêtements banals ; à l'écran, ce sont de véritables chefs d'oeuvre! Quelque soit le sujet, Mann parvient à le sublimer. D'abord, par un mise en scène inventive et élégante, qui aime les contrastes (plans larges/plans rapprochés, couleurs vives/couleurs foncées) et les défis (allier Scope et DV)...Ensuite, par la qualité de l'interprétation: non seulement Michael Mann peut se permettre de choisir ses acteurs parmi les plus grands, mais en plus il se permet de se donner des défis à relever. Transformer le très viril et très bad boy Russell Crowe en père de famille tourmenté, ou bien faire de Tom Cruise, Mr. Nice Guy par excellence, un méchant vraiment effrayant, ce n'était pas gagné d'avance! Et pourtant, Michael Mann y arrive!
Ce qui frappe dans Collateral, c'est cette surprise qui vous guette à chaque scène: le film est un mini road-movie dans lequel aucune des scènes ne ressemble à la précédente. Les étapes de ce voyage au bout de l'enfer se succèdent, chacune offrant son lot de difficultés, de périls, mais aussi d'enseignements. La rencontre de ces deux hommes sera déterminante pour chacun des deux: on peut même dire qu'après cette nuit, leur vie ne sera plus la même. Ce sentiment, plutôt que d'être énoncé explicitement à la Hollywood, est véritablement palpable pour le spectateur. La vie des deux hommes a changé: pour Max, on peut même imaginer que cette rencontre sera déterminante dont la façon dont il continuera de vivre sa vie...Pour Vincent, c'est peut-être la seule satisfaction qu'il pourra tirer de cette nuit infernale: le fait d'avoir changé une personne, de lui avoir fait voir la vie autrement. C'est peut être pour cela qu'il acceptera la mort, résigné, tel l'androïde Rutger Hauer dans Blade Runner: à défaut d'avoir accompli sa mission, Vincent saura qu'il laissera une trace dans ce monde...

Eternal Sunshine of the Spotless Mind, de Michel Gondry
C'est tout, simplement, le meilleur film de l'année. A une époque où l'on a le sentiment, au cinéma, de ne voir que des déclinaisons des mêmes grandes histoires, Charlie Kaufman parvient à nous proposer, film après film, des histoires véritablement originales, dont personne ne peut dire où elles nous emmèneront. Originalité et intelligence, tels sont deux mots qui caractérisent les scénarios kaufmaniens. Cerise sur le gâteau, on pourrait ajouter que ses récits, souvent mélancoliques, contiennent toujours une bonne dose d'humour.
Un scénario génial, c déjà pas mal, et l'on pourrait s'en contenter pour faire un bon film. C'est alors qu'intervient un élément décisif: le réalisateur, dont la responsabilité devant le scénariste est énorme. Soit il mettra le scénario en valeur, soit il ne sera pas capable de lui apporter une traduction visuelle à sa hauteur. Pari gagné dans Eternal sunshine..., puisque c'est le Français Michel Gondry qui s'y colle. Michel Gondry, un réalisateur exigeant, qui à travaillé avec certains des artistes les plus excitants et originaux de notre époque: Björk, Daft Punk, ou encore les Chemical Brothers. Michel Gondry, qui, au fil de ses clips, s'est construit un univers bien a lui, un univers où règnent les symétries, les répétitions et les dédoublements...Michel Gondry, un véritable auteur, qui à trouvé dans le scénario de Eternal sunshine... des résonances avec ses propres thèmes de prédilection, et qui est parvenu à créer une symbiose parfaite entre son univers et celui de Kaufman. On avait pas vu une telle symbiose entre deux univers depuis la rencontre David Fincher/Chuck Palahniuk pour Fight Club.
Bref, Eternal sunshine... est un pur bonheur, une tragicomédie romantique qui vous surprend à chaque scène. Les acteurs sont tous excellents dans des rôles à contre-emploi : Jim Carrey dans le rôle du timide introverti, Kate Winslet dans le rôle du "Jim Carrey de service", ou encore Mark Ruffalo dans le rôle du geek, qui n'a absolument rien à voir avec son personnage flic cool de Collateral. Et surtout, n'oublions pas Kirsten Dunst, dont le charme illumine l'écran!

Lu en BD:
Supreme, de Alan Moore.
On a beau être un lecteur de comics blasé, on est pas à l'abri d'un choc frontal comme celui produit par la lecture de Supreme, d'Alan Moore. Plus accessible que son chef d'oeuvre Watchmen, Supreme nous propose à nouveau une reelecture de la BD de super-héros. Cette fois-ci, c'est au personnage de Superman que s'attaque Moore, en offrant au lecteur une version caricaturale du super-héros le plus connu.