29.1.07

Best of 2006

Voici donc, avec un peu de retard, ma liste des meilleurs films de 2006...ce n'est pas tout à fait terminé, j'ai pas encore écrit tout ce que j'avais écrire.

L'année 2006 aura été exceptionnelle. Beaucoup de films dignes d'intérêt, beaucoup de bonnes surprises, et surtout, beaucoup de futurs classiques...Un excellent cru. Un simple classement m'a paru un peu réducteur, ce pourquoi je vais essayer de dresser un panorama un peu plus large...

Les merdes : Wassup Rockers, L'âge de glace 2
Wassup Rockers
, où "quand Larry Clark se caricature". On peut ne pas aimer les films de Larry Clark pour leur contenu, mais on ne peut pas ne pas reconnaître son talent visuel. Esthétiquement, les films de Clark avaient qqchose d'intéressant à montrer, à dire. Jusqu'à Wassup Rockers: tandis que le récit passe du ridicule au grotesque, l'amateur de belles images n'a plus rien à se mettre sous la dent, repoussé par fascination malsaine qu'exercent sur Larry Clark les corps adolescents. Beurk.
L'âge de glace 2 est un film pénible, bourré des clichés ethniques que les mauvaises comédies américaines nous ressortent à chaque fois (exemple type: la mammouth "black", rigolote et cool, qui décoince le mammouth "blanc" coincé). Mais au milieu de ce film sans imagination, il y a des séquences muettes, avec l'écureuil et la noix qu'il essaye désespèrement d'attraper. Ce cousin animal de Buster Keaton mériterait, lui, un film.

Les déceptions: V pour Vendetta, Marie Antoinette, Ne le dis à personne, Les Particules élémentaires...et Superman Returns (que j'ai apprécié sur le moment, mais en y repensant...je n'ai pas spécialement envie de le revoir).

Les bonnes surprises : Souris City, Happy Feet, Du jour au lendemain, Prête-moi ta main, Borat, Tournage dans un jardin anglais, Thank You for Smoking, La Science des rêves, Lady Chatterley...

Les films "solides": The Departed, Inside Man, Casino Royale, Déjà Vu, M:I-3, Pirates des Caraïbes 2, 16 blocs, Lord of War, Constant Gardner, Le Prestige...Little Miss Sunshine, Les Berkman se séparent...
Ce sont des films de genre de très très bonne facture. Sans réinventer le cinéma, chacun de ces films apporte une fraicheur au genre dans lequel il se situe: scénarios bien ficelés, castings de qualité...ces films-là, sans forcément innover, remontent la moyenne. Spike Lee ne perd rien de son énergie contestatrice quand il met en scène Inside Man, "heist movie" ultime aux connotations politiques. Denzel Washington, Clive Owen et Jodie Foster sont parfaits. Martin Scorsese renoue avec le film de gangsters dans The Departed, qui, sans atteindre le statut de chef-d'oeuvre absolu de Goodfellas, fait passer un très bon moment au spectateur. Encore une fois, tous les acteurs sont excellents. Casino Royale réussit l'exploit de réinventer la franchise tout en respectant un cahier des charges contraignant. Daniel Craig accède enfin à la notoriété qu'un acteur de son talent mérite. Déjà Vu réaffirme le talent de metteur en images de Tony Scott. Après s'être égaré dans ce monstrueux bordel qu'est Domino, Tony Scott revient avec un film qui est plus mesuré, mais qui n'en est pas moins efficace. Action, émotion, tout y est, et avec un Denzel Washington au top, on ne peut pas se tromper.

Little Miss Sunshine
et Les Berkman se séparent sont aussi, en quelque sorte, des films de genre, même s'il s'agit de genres un peu moins clairement identifiés: le road-movie familial et le "film indé US sur le passage à l'âge adulte". Ces films sont de vrais bijoux, qui parviennent à respecter les rêgles de leur genre:
Little Miss Sunshine respecte non seulement les attentes du spectateur, mais acquiert une vraie profondeur a travers son discours sur les valeurs qui structurent nos vies aujourd'hui: qu'est-ce que la réussite? à quoi sert la famille? qu'est-ce que la beauté? Toutes ces questions sont dans le film, et l'on peut choisir d'y faire attention ou pas. L'exploit de ce film, c'est d'être à la fois léger comme l'air et profond comme l'océan...
La force des Berkman se séparent vient de sa nature intensément personnelle. On sent bien que le réalisateur-scénariste Noah Baumbach exorcise les démons de son passé, ce qui donne au film une dureté, une cruauté, qui font qu'on s'en souvient. Même s'il n'est pas forcément très surprenant dans ce qu'il s'y passe, la charge émotionelle est très forte.

Les futurs classiques (ou, en anglais, les "instant classics") : Children of Men, Le Labyrinthe de Pan, The Fountain, OSS 117, Syriana, Babel, The Host, Vol 93, Miami Vice, The New World.
Et voilà, une année où l'on a près de 10 classiques potentiels, c'est énorme! Ces films sont tous très différents, mais ce qui les rassemble, à mes yeux, c'est une forme de perfection, d'aboutissement. On fera difficilement mieux.

Children of Men
réinvente la SF, en proposant un futur pas trop éloigné, et pas si fantaisiste que cela. A l'image d'un Alien, d'un Mad Max, ou d'un Blade Runner, Children of Men nous propose une nouvelle vision cinématographique du futur. Et comme tout bon récit de science-fiction, il utilise un récit situé dans le futur pour nous faire penser au présent. L'apocalypse de Children of Men, ce n'est pas la Terre ravagée par une guerre nucléaire, mais la mort de l'humanité elle-même: les femmes ne sont plus fertiles depuis 20 ans, et l'humanité, désespérée, se meurt. Ce décor novateur sert de cadre à un film d'action haletant, une course contre la montre dont on ne sait jamais comment elle va aboutir. Et comment ne pas mentionner la virtuosité technique de ce film, dont les plans-séquence interminables sont d'ores et déjà des classiques? Children of Men est un chef-d'oeuvre absolu: la rencontre, trop rare, entre un récit original, frais, nouveau, et une approche formelle radicale et novatrice. Peut-être le meilleur film de 2006, toutes catégories confondues.

L'année 2006, c'est aussi l'année de l'explosion des "Trois amigos": Alfonso Cuaron, Alejandro Gonzalez Innaritu et Guillermo Del Toro. Ces trois mexicains sont des cinéastes de qualité et de très bons amis. Chacun participe artisitiquement et/ou financièrement aux films des autres (Cuaron fait partie des producteurs de Pan, Del Toro aurait inspiré à Innaritu la fin de son premier film, Amores Perros). Cette année, chacun à sorti son chef-d'oeuvre. Le Labyrinthe de Pan, comme L'échine du diable, permet a Del Toro de mélanger un contexte historique précis (l'Espagne pendant la Seconde Guerre Mondiale) et une histoire fantastique ("l'initiation" d'une jeune fille, princesse exilée d'un royaume magique). L'équilibre entre ces deux éléments est parfait, et le film est d'une beauté et d'une originalité à couper le souffle. Comme Pan représente l'aboutissment du "style Del Toro", Babel représente lui aussi l'aboutissment du "style" Innaritu/Arriaga (le scénariste de ses trois premiers films). Dans Babel, l'ambition est dans un scénario qui se déroule sur 3 continents différents, mais aussi dans une mise en scène inspirée, qui parvient a concilier l'immédiateté nécessaire à l'impact émotionnel (on EST au Maroc, au Japon, on ASSISTE à ce marriage au Mexique, dans des paysages que le cinéma ne donne pas forcément à voir très souvent) et la liberté qui permet des envolées lyriques extraordinaires. C'est de l'Art. Un film qui reste avec vous.

Pour la beauté lyrique pure, pour les films qui se rapprochent le plus de "poêmes visuels", on se souviendra longtemps de The Fountain et The New World. Dans The Fountain, chaque plan est original, tous les choix de mise en scène contribuent à écrire une grammaire spécifique au film. Si l'histoire, qui manie sans humour des Grands Thèmes comme la Vie, l'Amour, et la Mort, on est en droit de craindre le pire. Il n'en est rien. Les interprêtes sont formidables, le film bouleversant. Un film d'une grande fraicheur, qui ne ressemble à aucun autre. The New World est l'exemple réussi des bonnes vieilles méthodes utilisées avec savoir-faire. Terrence Malick ne cherche pas l'artifice, mais il parvient, par le biais d'un travail irréprochable sur la technique (photo superbe, son extrêmement travaillé) à nous faire rentrer dans la peau des personnages. L'effet "poême" est accentué par une utilisation magnifique de la voix off, qui révèle les pensées des personnages qui ne peuvent pas toujours se comprendre: le mélange des images, de la musique, et de la voix off des personnages, est sublime.

Syriana
: j'ai tellement aimé ce film que je suis allé le voir au cinéma deux fois. Le deuxième visionnage était un pur bonheur: débarassé de "l'angoisse du récit", j'ai pu voir tous les fils de l'intrigue s'emmeler et se démeler, et j'ai pu mieux faire attention à certains éléments qui m'avaient échappé la première fois. L'intrigue est complexe, mais comme il faut: tout est expliqué, tout est compréhensible. Parfois, on peut parier sur l'intelligence du spectateur! Syriana est l'équivalent filmique d'un exposé de Sciences Po, dont l'intitulé pourrait être ceci: "Le pétrole, des enjeux mondiaux aux enjeux locaux". Bien évidemment, certains trouveront que le champ d'étude est beaucoup trop vaste pour être résumé en 2H30. Et pourtant, ça marche. Comme il s'agit d'une fiction, on reste dans un examen un peu superficiel, mais qui n'en oublie pas pour autant d'examiner toutes les facettes de la géopolitique du pétrole. Syriana réussi à faire ce que font toutes les grandes oeuvres d'art digne de ce nom: nous parler du monde dans lequel nous vivons. Et nous faire réfléchir aux moyens de l'améliorer.

Syriana
n'est d'ailleurs pas seul dans ce cas : le terrifiant Vol 93 est lui aussi un film qui fait réfléchir. Preuve qu'en temps de troubles, la production artistique devient plus intéressante, Vol 93 offre une réflexion pertinente sur la responsabilité des uns et des autres dans la catastrophe du 11 septembre, mais aussi, au-delà de ce sujet, nous fait réfléchir sur la nature du film d'action après un événement ou la réalité a dépassé la fiction: a-t-on vraiment besoin de stars, d'explosions et d'effets numériques pour faire ressentir de l'angoisse chez le spectateur, alors que Vol 93 parvient à nous glacer le sang avec acteurs anonymes et une mise en scène maladroite? N'est-ce pas un peu vain, finalement, de nous ressortir toujours les mêmes recettes où le héros empêche la fin du monde, et finalement rien ne change, l'épilogue du film scelle le statu quo? Après un changement de paradigme comme le 11 septembre, tout a changé. Hollywood n'a pourtant pas arrêté de produire des grosses machines spectaculaires et creuses après le 11 septembre. Mais aucun de ces blockbusters ne pourra produire autant d'adrénaline que Vol 93, qui est sans doute le seul vrai film d'action du monde post-9/11.