22.4.07

Is there anybody out there?

J'aime le rock progressif. J'apprécie beaucoup de genres musicaux différents, mais si je devais n'en choisir qu'un seul, ce serait le rock progressif. J'adore les morceaux de rock qui durent 20 minutes, et qui racontent des histoires complêtement délirantes sur fond d'effets sonores de ruisseaux et de mouettes. J'aime le rock progressif parce qu'il raconte une histoire.

Dans le rock progressif, il y a un concept-roi, celui de "l'album concept": un album de chansons autour d'un même thême, d'une même histoire. Les concept albums, sont des oeuvres d'art entières, des productions musicales où chaque morceau doit jouer son rôle pour faire avancer une histoire ou explorer un thême donné. C'est très ambitieux de vouloir faire un concept album, et ça ne marche pas toujours parfaitement. Parfois, on a affaire à des "demi albums concept", comme Duke de Genesis ou Funeral d'Arcade Fire.

Voici, selon moi, les meilleurs albums concept:

Dark Side of the Moon (1973), de Pink Floyd

Le concept-album ultime. Le chef-d'oeuvre d'un groupe légendaire. Dark Side of the Moon est une exploration de la vie des hommes du XXème siècle. Tous les thèmes majeurs y sont abordés: le passage du temps (Time), l'influence de l'argent (Money), les conflits entre humains (Us and them), la jouissance (The great gig in the sly, un incroyable orgasme musical), la folie (Brain Damage)...Thématiquement, ça reste donc assez général. Musicalement, l'album est parfait: les morceaux s'enchaînent sans le moindre problème pour former un seul long morceau de 40 minutes. Certains morceaux surprennent par leur avant-gardisme (On the run, c'est de la techno!), d'autres par leur beauté extraordinaire (jamais on avait articulé, de façon aussi belle et aussi déséspérée, le passage du temps, que dans Time). Dark Side of the Moon, c'est l'apogée créative de Pink Floyd. Un album parfait.

OK Computer (1997), de Radiohead

Si on cherche un successeur à Dark Side of the Moon, on tombe forcément sur OK Computer. Sorti par Radiohead en 1997, OK Computer nous offre une exploration du monde moderne, en abordant des "grands thèmes" tels que le progrès technologique (Airbag), le confort moderne (Fitter Happier), la vie en société (Paranoid Android), le politiquement correct (Karma Police), la politique-spectacle (Electioneering) et, bien sur, la folie (Climbing up the walls)...Si les thèmes abordés ne sont pas forcément aussi évidents à observer que ceux de Dark Side of the Moon, la cohérence musicale, elle, est bien présente. Ecouter OK Computer, c'est plonger dans un monde bizarre, qui ressemble au nôtre, où le rock classique et l'électro se rejoignent. OK Computer, c'est une entrée dans un nouvel univers, rempli d'espoir et de tristesse. Radiohead s'adresse à la génération '90, celle qui est consciente du cynisme de ses pères, mais qui choisit d'espérer, et de croire en un avenir meilleur. Une génération qui tente de réconcilier le pragmatisme et l'idéalisme. De ce double idéal naît une tension qui parcourt OK Computer et en fait un album essentiel.

Alors, s'agit-il vraiment d'un concept-album? Voici l'avis de Wikipédia:
Thus, a case has been made that it is, if not conceptual, still a thematically cohesive album about the present, perhaps using futuristic technological imagery to make sociopolitical points, rather than to create its own sci-fi narrative.

The Wall (1979), de Pink Floyd

Eh oui, encore un album de Pink Floyd! Si j'aime les albums concept, c'est avant tout grâce à ce groupe: à partir de Dark Side of the Moon, le groupe ne produit que des albums concept! J'en profite donc pour citer les superbes Wish You Were Here (un album en hommage à Syd Barrett, le "diamant fou", fondateur du groupe, que la célébrité et les drogues ont transformé en Homer Simpson) et Animals (une exploration des comportements humains, vus à travers le prisme du Animal Farm de George Orwell). The Wall, c'est le sommet créatif de Roger Waters, le bassiste mégalo qui a pris le contrôle total du Floyd. L'album est, officiellement "Ecrit & Composé" intégralement par Waters. L'enregistrement de l'album se fait dans une très très grande tension, et le groupe ne s'en remettra jamais. Si l'on peut facilement contester la version officielle selon laquelle Roger Waters à tout fait sur cet album, on ne peut nier sa nature intensément personnelle. The Wall, c'est la descente aux enfers de Pink, une rock star que son succès rend fou. Comme Waters, Pink se met à mépriser les fans, et va même jusqu'à utiliser son influence sur eux pour en faire une sorte d'armée de jeunes nazis. Pink, comme Waters, n'a jamais connu son père, puisque celui-ci est mort pendant la Seconde Guerre Mondiale. Tous un tas de thèmes se mélangent dans The Wall: l'absence du père, le star-system, la folie, le fan(atisme), la guerre...Ensemble, ils font de The Wall le plus grand opéra-rock de tous les temps, sur lequel on trouve l'un des plus grands morceaux de Pink Floyd, celui qui donne son nom à ce blog: Comfortably Numb.
Et quand on aime The Wall, on se doit de voir le film qui s'en est inspiré: Pink Floyd: The Wall. Ecrit par Waters, le film est un complément indispensable à l'album.

Scenes from a Memory (1999), de Dream Theater

On arrive donc à Scenes from a Memory, du groupe de métal progressif Dream Theater. Les raisons qui me font adorer cet album sont les mêmes que celles qui le feraient detster d'un autre: Scenes from a Memory est un album ambitieux, étonnant, fatiguant. On y trouve des chansons où l'Amour triomphe de la Mort, où la réincarnation de l'âme devient possible. Les morceaux portent des noms dont on ne sait s'il faut les trouver grandiloquents ou ridicules. Exemples: "The Dance of Eternity" ou "Beyond this life". SFAM est un opéra rock, où chaque morceau constitue un "acte". C'est l'histoire de Nicolas, un jeune homme qui fait des cauchemars étranges. Il entreprend une séance d'hypnose, pour comprendre d'où viennent ces cauchemars qui ressemblent à des souvenirs. Et là, tout explose, Nicolas remonte le temps pour découvrir que ses cauchemars décrivent le meurtre sordide d'une jeune fille tuée par un serail killer en 1928! Passé et présent se téléscopent, Nicolas se découvre être la réincarnation de cette jeune fille assassinée, et pour enfin trouver la paix, il devra fouiller les souvenirs de sa vie antérieure pour découvrir l'identité du tueur...Bref, c'est très compliqué, mais ça tient. Et surtout, la musique nous fait ressentir le voyage intérieur de Nicolas: les thêmes sont répétés, changés légèrement, tout comme les paroles, structurées parfois en clash entre les diverses personnalités qui se croisent dans les souvenirs...La Vie, l'Amour, la Mort, la Rédemption: oui, Dream Theater aborde tout ces thêmes casse-gueule en assumant à 100%. Certains trouveront la démesure de cet album ridicule. Les autres seront conquis par son romantisme exacerbé.

American Idiot (2004), de Green Day

Avec American Idiot, on reste dans le genre de l'opéra rock, et c'est Green Day, l'un des groupes de punk les plus populaires aux Etats-Unis, qui s'y colle. American Idiot, c'est un voyage dans l'Amérique de 2004, une Amérique encore traumatisée par le 11 septembre, dominé par un pouvoir politique va-t-en guerre et complêtement incompétent. American Idiot, c'est un cri du coeur, c'est toute la colère des jeunes Américains (de gauche), quelques mois avant une élection présidentielle dont on espérait qu'elle permettrait de remettre le pays sur le droit chemin après l'horreur de l'administration Bush. On connait la suite...malgré ça, cet album garde une puissance et une fraîcheur incomparables. Il fait partie de ces albums qui sont comme une photo instantanée d'une époque particulière, d'un moment bien précis dans le zeitgeist, l'air du temps. En tant que jeune Américain faché contre son gouvernement, je partage la colère de Green Day. C'est un album que j'aime parce qu'il me ressemble. Et musicalement, c'est le plus ambitieux, et le plus abouti, de tous les albums de Green Day. C'est du punk progressif en quelque sorte: les morceaux s'enchaînent parfaitement, certains durent près de 10 min (l'incroyable Jesus of Suburbia)...contrairement aux punkeurs fadasses qui font de la musique sucrée et s'adressent aux faux rebelles ados, Green Day nous offre un album sérieux, bourré d'idées, un album qui renoue avec les racines politiques du punk, et qui prouve que ce n'est pas parce que l'on a plus trente ans et qu'on mène une vie confortable qu'il faut arrêter de critiquer la société.

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