29.3.07

Neodämmerung

Un ami m'a envoyé récemment le lien vers une page avec les meilleurs monologues du cinéma américain. La liste est de qualité, bien sûr, mais il n'y a rien de vraiment surprenant dans les choix: "J'adore l'ordeur du napalm au petit matin..", etc. Il y a un monologue que j'adore, et qui a le malheur de se trouver dans une des suites les plus honnies de ces dernières années: The Matrix: Revolutions.


J'adore Revolutions: malgré quelques gros défauts, il y a dans ce films suffisamments de moments sublimes pour qu'on le revoie avec plaisir. Et dans ces moments sublimes, il y a le monologue final de l'Agent Smith. Celui-ci semble avoir vaincu Neo en combat singulier, et comme tout bon Méchant qui se respecte, il raille son adversaire à terre. Voilà ce que ça donne:

Agent Smith: Why, Mr. Anderson? Why do you do it? Why get up? Why keep fighting? Do you believe you're fighting for something? For more that your survival? Can you tell me what it is? Do you even know? Is it freedom? Or truth? Perhaps peace? Yes? No? Could it be for love? Illusions, Mr. Anderson. Vagaries of perception. The temporary constructs of a feeble human intellect trying desperately to justify an existence that is without meaning or purpose. And all of them as artificial as the Matrix itself, although only a human mind could invent something as insipid as love. You must be able to see it, Mr. Anderson. You must know it by now. You can't win. It's pointless to keep fighting. Why, Mr. Anderson? Why? Why do you persist?

Neo: Because I choose to.

Wow. J'aimerais pouvoir être aussi éloquent. On à souvent accusé la série des Matrix de prétention, mais ça change quand même, d'avoir des films à gros budget où les dialogues sont aussi soignés que les scènes d'action. Evidemment, si Smith parle aussi bien, c'est qu'il s'écoute parler. Sûr de lui, en vainqueur, il ne peut s'empêcher de se délecter de l'inéluctable défaite de son ennemi intime, son adversaire de toujours, Neo.



Cet échange résume à lui seul toute la trilogie, où la question du choix (donc du libre arbitre) structure le récit (Matrix est un film-jeu vidéo). Neo choisit d'accepter sa destinée, de prendre la pillule rouge et de mener la rebellion des humains contre la Matrice. Neo choisit de ne pas faire ce que lui ordonne l'Architecte, pour trouver une troisième voie pour mettre fin une fois pour toutes au conflit entre humains et machines. Et à la fin, Neo choisit la coexistence pacifique avec les machines, pour sortir du cycle infernal des "reload".

L'Agent Smith est un programme comme les autres qui deviendra, au contact de Neo, humain. Humanoïde. Mais un humain bancal, un hybride, qui ne parvient pas à se débarasser de la mission qui lui était assignée, "programmée", dans sa vie antérieure (détruire Neo, pardon, Mr Anderson), et qui, en devenant "libre", n'arrive à trouver de la jouissance que dans un narcissisme profond ("Me. Me, me, me, me. And me") qui consiste à faire le vide autour de lui, à tout démolir pour devenir le centre de l'univers et remodeler le monde à son image: "Like what I've done with the place?". Quitte à provoquer une instabilité grandissante du système, et la destruction du monde. Bref, face au danger posé par Smith, Neo et les machines s'allient pour le vaincre. La symbiose est telle entre humains et machines que la destruction de la Matrice serait une catastrophe pour les deux peuples.

N'oublions cependant pas que si ce monologue est si frappant, c'est grâce à l'immense Hugo Weaving, interprête de l'Agent Smith. Cette voix incroyable, ce jeu tout en violence contenue, l'impression que dégage Smith de tout contrôler, tout en étant impuissant face à la détermination de son adversaire...Pas de doute, Hugo Weaving a crée l'un des méchants les plus intéressants du cinéma. Toute la vanité et la complexité de Smith se trouvent là-dedans, dans ce monologue final, un monologue de la victoire qui se transforme tout d'un coup en incroyable aveu d'échec. Malgré tout son pouvoir, Smith est incapable de comprendre son adversaire. Comme il ne sait pas ce que veut Neo, il ne peut pas lui faire de mal. En ça, Neo à gagné. Et l'Agent Smith nous prouve que l'hubris n'est pas l'apanage des hommes. Même une machine peut y succomber. Avec les conséquences que l'on connaît.


Bref, pour résumer l'affaire, on pourrait simplement citer un membre de YouTube, qui à décrit cette scène avec des mots tout simples: "Best villain monologue of the 21st century".

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